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La solitude : ses formes, ses raisons et les solutions (10’000 caractères).
Selon les experts, les personnes aujourd’hui les plus touchées par la solitude sont celles qui ont entre 30 et 40 ans. Au milieu de leur vie, elles se sont isolées. La solitude ne touche pas, comme on le pense souvent, que les personnes âgées. Évidemment, il existe des personnes seules dans toutes les générations. La solitude est devenue un problème de société, et cela, dans une société dite de la communication. Nous sommes toujours atteignables et pourtant nous sommes seuls. Et, soyons honnêtes, en chacun de nous, il existe des recoins cachés, dans lesquels la solitude s’est installée, comme des toiles d’araignées sous les combles.
La solitude n’est pas une maladie de notre époque. De tous temps, les êtres humains se sont sentis seuls, abandonnés et exclus. La solitude fait partie de la condition humaine. Passons en revue quelques exemples tirés de la Bible.
« Or à Jérusalem, près de la porte des brebis, il y a une piscine qui s’appelle en hébreu Béthesda et qui a cinq portiques. Sous ces portiques un grand nombre de malades étaient couchés : des aveugles, des boiteux, des paralysés. [...] Là se trouvait un homme infirme depuis 38 ans. Jésus le vit couché et, sachant qu'il était malade depuis longtemps, il lui dit : Veux-tu être guéri ? L'infirme lui répondit : Seigneur, je n'ai personne pour me plonger dans la piscine quand l'eau est agitée, ... » (Jean 5:2-7).
Souvent cette phrase est prononcée : « Je n’ai personne. » Que se cache-t-il derrière ces paroles : « Je n’ai personne. » ? Une déception amère ? De la frustration accumulée ? Du désespoir ? Dans tous les cas : une solitude et une résignation profonde. « Je n’ai personne », dit le malade. Je dois me débrouiller par moi-même. Je ne peux compter sur personne.
Dans les Psaumes, dans ces chants de prières tirés de l’Ancien Testament, des personnes se plaignent aussi de solitude. « Regarde-moi, aie pitié de moi, car je suis abandonné et malheureux ! Les angoisses de mon cœur augmentent : délivre-moi de ma détresse ! » (Psaume 25:16 et 17). Nous trouvons là deux éléments qui vont de pair : la solitude et le découragement. Le chemin vers la dépression passe souvent par la solitude.
« Ils me rendent le mal pour le bien, je suis abandonné de tous. » (Psaume 35:12). Au cours de leur vie (terrestre), beaucoup de personnes sont confrontées au mal. Et ensuite, elles réagissent en se repliant sur elles et en s’isolant. Il arrive alors un moment où elles tournent en rond et alors débute le désespoir.
« Je suis privé de sommeil et je ressemble à l’oiseau resté tout seul sur un toit. » (Psaume 102:8). Seul, parce que j’ai été abandonné, un coup du destin, qui touche autant de monde, parce que nos relations sont superficielles et fragiles.
« Regarde à droite et constate-le : personne ne me reconnaît, je ne sais plus où trouver refuge, personne ne s’inquiète pour ma vie. » (Psaume 142:5).
Il ne faut pas beaucoup de fantaisie pour s’imaginer comment on peut se sentir seul, lorsque plus personne ne s’intéresse à nous et que plus personne ne prend de nos nouvelles. Et le prophète Jérémie se plaint de sa solitude : « Je ne suis pas resté en compagnie de ceux qui s’amusent pour y prendre mon plaisir. Devant ta main je me suis assis solitaire, … » (Jérémie 15:17). À ce jour, les psychologues affirment que les personnes seules perdent non seulement la parole mais encore le rire.
Avons-nous remarqué pourquoi ces personnes parlent de leur solitude et y réfléchissent ? Dans ces textes transparaissent certaines des raisons :
La maladie a isolé cette personne. Elle n’a personne qui l’aide quand elle en aurait besoin :
• La faute et les sentiments de culpabilité isolent.
• La honte malsaine isole.
• Les préjudices que nous avons subis nous isolent.
• La perte de sécurité nous isole.
• Le fait d’être repoussé nous isole.
La solitude fait mal parce que c’est un état de manque :
• L’attention fait défaut.
• L’amour fait défaut.
• La proximité et la chaleur font défaut ainsi que le sentiment de compter pour quelqu’un sur cette terre.
La solitude est un état dangereux, car il manque à celui qui est seul le miroir qui le renseignerait du danger qui le guette. Il lui manque des personnes qui l’encouragent et le confirment, mais aussi des amis qui le critiquent et le corrigent. Ou tout simplement : des personnes qui rient et qui pleurent avec lui.
Connaissons-nous personnellement de tels sentiments ? Connaissons-nous d’autres personnes qui doivent affronter la solitude ?
Les relations ne constituent néanmoins pas une protection contre la solitude, car on peut très bien aussi se sentir seul en compagnie d’autres personnes. Et puis il existe aussi encore la solitude à deux. On peut ne plus être en bons termes avec son partenaire, on n’a plus rien à se dire, on ne parvient plus à s’écouter.
La solitude au sein du couple est pour beaucoup l’expérience la plus douloureuse. Il y a bien une personne à côté de nous, mais elle n’est pas présente. Il y a bien là quelqu’un avec moi mais il est pourtant si souvent contre moi. Selon les statistiques, un quart des personnes mariées se sentent abandonnées. Une forte proportion de personnes se marient pour mettre fin à leur solitude et tout autant de personnes se divorcent ensuite parce qu’elles sont si seules.
Le fait que, grâce aux techniques modernes de communication, nous téléphonions de presque partout ou que nous envoyions et recevions des courriels partout, ne change rien au problème. Et malgré tout, discrètement, presque sans le remarquer, un phénomène perfide se propage, qui est décrit par l’expression d’un « manque d’aptitude à dialoguer ». Le pur échange d’informations objectives ne constitue pas encore forcément une communication. Le fait d’être toujours en ligne et d’avoir en permanence le portable à l’oreille, ne nous rend pas pour autant aptes à la relation. Beaucoup d’entre nous ne sont plus capables de raconter quelque chose d’eux-mêmes, de se confier aux autres, d’exprimer de la reconnaissance, de décrire leurs sentiments et de poser des ques-tions précises. Et tout cela isole. Visionner un film ensemble, ce n’est pas encore de la communication. Regarder la télévision peut rendre très solitaire.
S’ajoute à cela l’autre côté de la communication : nous désapprenons à écouter. Beaucoup de personnes sont de très mauvais auditeurs. « Tu ne m’écoutes pas du tout ! »
Les spécialistes du comportement disent que l’art d’écouter s’apprend, comme les mathématiques ou les langues étrangères. Et les personnes seules disposent d’un détecteur pour percevoir si nous les écoutons ou pas.
Les personnes seules ne sont donc pas forcément des personnes qui n’ont aucun contact. Toutefois, leurs contacts ont perdu leur profondeur et leur pertinence. Pourtant la situation ne doit pas forcément aller si loin. Nous sommes en mesures de réagir. On distingue en gros trois phases de la solitude.
1. La solitude momentanée, provisoire
Tout le monde passe plusieurs fois par cette phase dans sa vie. Une telle période de solitude est souvent une réaction à des circonstances extérieures. Un déménagement, un séjour hospitalier, le départ des enfants. Ce sont des événements qui peuvent constituer des déclencheurs pour une solitude momentanée (ressentie). Une telle phase de solitude n’est pas nuisible. Elle peut même être utile pour s’adapter à la nouvelle situation, pour faire le point de la situation, peut-être pour se réorienter, car elle indique une nouvelle opportunité à saisir dans la vie.
2. Le retrait progressif
La solitude s’installe peu à peu. Elle devient notre compagnon et puis elle transforme notre personnalité. Mes capacités à prendre contact avec mes semblables et à m’entretenir avec eux diminuent lentement. Nous désapprenons à sourire et à parler des affaires quotidiennes. Nous nous retirons (dans notre coquille).
3. La solitude chronique
Dans cette phase, les sentiments de solitude durent durant des mois voire des années. Nous nous pétrifions. Toutes nos aptitudes à établir le contact et à le maintenir, à nous apprêter pour les autres, à recevoir de la reconnaissance et à l’exprimer, disparaissent. Les autres ne savent plus comment engager la conversation avec nous. « Elle ne parle de toutes façons de rien. Elle se tient là (sur sa chaise) raide comme un piquet. » Nous nous sentons repoussés et peu intéressants et perdons toujours plus confiance en nos capacités. C’est un cercle vicieux. Nous nous retirons (dans notre coquille) ou sommes toujours plus remontés contre les autres et devenons « toxiques » pour eux.
Il faut néanmoins ajouter que, dans notre vie, il existe aussi une aspiration saine à être seul. Un besoin qui découle souvent de la charge et des tensions permanentes dues à notre style de vie, du fait que nous devions être atteignables en permanence ou que nous pensions devoir l’être. Dans ce texte, nous ne voulons cependant pas aborder ce genre de solitude, mais plutôt nous concentrer sur les formes de solitude nuisant à la santé, c’est-à-dire le « retrait progressif » et la « solitude chronique ».
Qu’est-ce qui peut nous isoler ?
• Une maladie peut nous isoler.
• La faute et les sentiments de culpabilité isolent.
• La honte malsaine isole.
• Les préjudices que nous avons subis nous isolent.
• La perte de sécurité nous isole.
• Le fait d’être repoussé nous isole.
• Le fait de ne pas s’accepter nous isole.
• Un comportement addictif peut nous conduire à l’isolement.
• Les circonstances particulières de la vie peuvent nous isoler.
Jésus veut nous sortir de cette solitude nuisible. Il voudrait nous montrer comment nous pouvons surmonter cette forme de solitude.
Comment pouvons-nous vaincre cette solitude ?
• En sachant et en acceptant par la foi que Jésus nous aime de façon inconditionnelle, qu’il est toujours à nos côtés et qu’il ne nous abandonnera jamais !
• En parlant de notre solitude avec une personne de confiance et en acceptant de l’aide.
Auteur
Major Beat Schulthess, officier du Poste de l’Armée du Salut de Zurich Oberland
Publié le
24.1.2019