« Elle m’a redonné courage quand mourir était ma seule envie. »
« Elle m’a redonné courage quand mourir était ma seule envie. »
Le rapport annuel 2017 est en ligne ! Lisez l’histoire de Valérie, soutenue par l’Armée du Salut alors que son mari était en prison.
Le monde de Valérie Glaus* s’écroule lorsque son mari est incarcéré. Au choc initial s’ajoutent le sentiment d’impuissance et l’absence d’informations. Mère au foyer, Valérie se retrouve complètement seule avec ses quatre enfants. Dans sa détresse, elle s’adresse au projet Angehört, un service que l’Armée du Salut en Suisse alémanique a mis sur pied pour accompagner les proches de détenus, et trouve en la personne de Renate Grossenbacher, responsable du projet, un soutien empathique et professionnel. Aujourd’hui ressorti de prison, Peter* revient pour nous, avec sa femme, sur les cinq mois les plus difficiles de leur vie.
* Les deux noms ont été changés
Comment avez-vous découvert le projet Angehört ?
Valérie Glaus : D’un jour à l’autre, mon mari n’était plus là, et je n’arrêtais pas de pleurer. Mon fils aîné a compris que j’avais besoin d’aide. Il a trouvé sur Internet le service d’accompagnement des proches de détenus de l’Armée du Salut. Même si j’étais désespérée et très inquiète pour l’avenir, j’ai dû réfléchir un peu avant d’être prête à accepter de l’aide.
Quels facteurs ont conduit à une situation financière critique ?
V.G. : Un mois après l’incarcération, l’employeur de mon mari a interrompu le paiement de son salaire et je me suis retrouvée avec quatre enfants, la maison et des dettes fiscales. Aucun tort n’a pu être imputé à mon mari jusqu’à aujourd’hui. Malgré la présomption d’innocence, il a été licencié sans préavis pendant sa détention préventive, où il est resté plusieurs mois.
Comment avez-vous vécu l’arrestation ?
Peter Glaus : La police a débarqué chez moi pour me conduire au bureau, où elle a exigé que je lui remette certains documents. Je n’avais aucune idée de ce qui arrivait. J’ai ensuite été amené au poste de police, puis j’ai passé la nuit dans une cellule, avant d’être remis entre les mains du procureur général. Après l’interrogatoire, on m’a annoncé que je devais rester en détention préventive à cause d’un risque de dissimulation. Ma femme n’a pu venir me voir qu’un mois plus tard !
V.G. : Dès les premières semaines, j’ai essayé plusieurs fois de rendre visite à mon mari, sans obtenir la permission de le voir. Personne ne me disait de quoi il s’agissait, on me demandait seulement d’attendre. Lors de la perquisition également, on m’a laissée dans l’incertitude. J’ai heureusement rencontré une personne, au poste de police, qui a fait preuve de compassion et m’a expliqué de manière officieuse ce qui était reproché à mon mari. Plus tard, l’avocat de mon mari m’a contactée, mais j’ai très vite remarqué qu’il s’empêtrait dans de nombreuses contradictions. J’ai réalisé que mon mari n’était pas bien représenté. Désespérée, j’ai effectué des recherches jour et nuit pour finalement trouver un autre avocat qui remplissait mes critères.
Comment Renate Grossenbacher vous a-t-elle soutenus ?
V.G. : Elle m’a d’abord proposé de la nourriture, ce que j’ai refusé, car notre jardin nous fournissait bien assez de légumes. De plus, je n’avais pas d’appétit et j’aurais préféré mourir. Renate a pris ma colère et mon désespoir très au sérieux. Cela m’a fait du bien de parler avec elle. J’ai repris espoir, ce dont je reste reconnaissante. Elle a ensuite fait des démarches pour obtenir une exonération de nos dettes fiscales, mais j’ai décidé de les rembourser par paiements échelonnés. Renate m’a également permis de passer une semaine de vacances en montagne, avec mes enfants. J’ai pu y retrouver mon calme et prendre chaque jour beaucoup de temps pour prier.
P.G. : La plus grande difficulté, c’était que ma femme avait perdu sa confiance en autrui et qu’elle ne savait plus à qui s’adresser. Dans ces moments, une personne neutre et fiable peut faire une grande différence, de surcroît une personne compétente et professionnelle, pouvant indiquer comment trouver un avocat ou faire rembourser les dettes fiscales. Rien que le fait d’écouter compte beaucoup. Renate Grossenbacher s’est intéressée à ma femme en tant que personne, sans porter aucun jugement. Valérie a commencé à lui faire confiance et à s’appuyer sur elle. Savoir que quelqu’un soutenait ma femme m’a rassuré, car ma famille était mon plus grand souci.
Cette période vous a-t-elle amenés à découvrir des traits de caractère en vous-mêmes que vous ne connaissiez pas avant ?
V.G. : Je suis une femme forte, mais je ne le savais pas avant. Même blessée et découragée, je devais maintenir, dans mon cercle d’amis et auprès du voisinage, une apparence enjouée et confiante. Souvent, il me fallait répondre à des engagements dans la société ou accepter des invitations alors que je n’étais pas du tout d’humeur. Je me sentais totalement à côté de la plaque et me demandais : mais qu’est-ce que je fais ici ?
P.G. : La force de ma femme m’a surpris, moi aussi. Sa clairvoyance sur toute la situation, son intervention avec les avocats, sa fermeté avec la police, sa capacité à se battre, à se frayer un chemin et à négocier : tout cela n’était pas facile. En plus, elle devait s’occuper des enfants, leur faire oublier un peu la situation difficile et communiquer avec ma grande famille, qui se faisait bien sûr du souci. Même si elle pleurait souvent, ma femme a réussi à cacher à l’extérieur ce qui la tourmentait à l’intérieur.
Avez-vous, pendant ce temps, pu vous accorder quelque chose à vous-même ?
V.G. : Non, je me contentais de fonctionner. J’ai perdu 15 kilos et n’avais aucune minute pour moi-même. La maison, le grand jardin, les enfants et leurs activités… Ils voulaient sortir même si je n’étais pas motivée, alors je les accompagnais mais, dans ma tête, tout tournait autour de la même question. Le fait que mon mari se retrouve en détention préventive malgré son innocence m’a beaucoup pesé. J’avais une belle vie, mais j’ai tout perdu d’un coup. J’ai atteint mes limites et la fatigue était constante. Aujourd’hui encore, je souffre de troubles du sommeil.
Comment allez-vous maintenant ? Garderez-vous contact avec Renate Grossenbacher ?
V.G. : Oui, il reste encore quelques aspects qui me concernent et dont j’aimerais discuter avec Renate. Nos rencontres seront sporadiques, selon le besoin et le temps à disposition pour l’une et l’autre. Je lui fais vraiment confiance.
P.G. : Avoir un interlocuteur est très important. Pour une consultation ponctuelle, un contact superficiel suffit, mais un suivi intensif exige une relation. Notre situation financière ne s’est pas améliorée ; il reste beaucoup de questions ouvertes. C’est une situation difficile qui durera encore longtemps et demandera beaucoup de patience. Nous avons des dettes élevées. Pourtant, que ce soit par le passé, pour aujourd’hui ou pour l’avenir, nous comptons sur Dieu, qui ne nous abandonne jamais. Nous restons fermes et regardons, malgré tout, avec optimisme vers demain. Nous sommes sur la bonne voie. Cette expérience nous a rendus plus forts : en tant qu’individus et en tant que famille. Notre message : la solidarité est sacrée dans de telles situations.
Le projet Angehört, mais également bien d'autres, fonctionne grâce à l'aide de nombreux bénévoles.
Auteur
Livia Hofer
Publié le
3.7.2018